jeudi 1 mars 2012

Abomey: mi kuwabo!

Notre guide s'appelle Damien. Il nous emmène dans le quartier où doit avoir lieu la cérémonie, nous installe à l'ombre sous un arbre et va se renseigner. Des gens courent, on sent une certaine tension. Un événement gravissime perturbe le déroulement de la cérémonie: un enfant vient d'être "possédé", c'est à dire choisi par la divinité et le père, désespéré, a sauté dans un puits (ils sont ici très profonds). Il est peut-être mort.
La cérémonie continue: rien ne peut l'arrêter. 
Le corps de l'enfant choisi, aussitôt inconscient, est enroulé dans un pagne et ficelé. Quelques chants et quelques danses et on le fait passer par-dessus le mur de la maison. Le corps est gardé ainsi, 1 semaine si c'est un garçon, 9 jours si c'est une fille. Passé ce délai, se déroule alors la cérémonie de réanimation.
Et justement, un corps est sorti de la maison et il est transporté dans le quartier pour annoncer à tous qu'il va être réanimé.
Le corps est déposé sur une natte, on lui ôte le pagne qui le recouvrait, on le masse pendant que les autres crient des noms jusqu'à ce que le corps réagisse à son nouveau nom. Toutes les personnes présentes retiennent leur souffle. L'enfant va-t-elle se réveiller? La petite fille qui s'appelait Madeleine réagit enfin: elle s'appellera désormais Kousso. 
Au cri de l'enfant réanimée la foule exprime une grande joie. C'est un moment de très grande émotion.
L'ancienne personne n'existe plus. Sa vie sera consacrée au VODUN. 
A peine éveillée, elle est emmenée dans la maison. On a du mal à croire que ce soir-même, elle dansera pour fêter son retour à la vie.
Nous y assisterons mais comme nous voudrions prendre des photos, Damien se renseignera...

ABOMEY est une cité historique, fondée au XVIIe siècle.


statue de GBEHANZIN, figure légendaire de la lutte contre la colonisation.
PALAIS ROYAUX:
site inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1985.
abritent le musée historique
les photos sont interdites, quelques exceptions...
visite guidée obligatoire et très intéressante



Chacun des rois qui se sont succédé à la tête du royaume d'Abomey possède un emblème représenté sous forme de pictogramme.

AGAJA (1711-1742)

TEGBESU (1742-1774)

KPENGLA (1774-1789)

AGONGLO (1789-1797)
GHEZO (1818-1858)
Ghézo et ses Amazones (Routard)
"Le roi Ghézo avait, comme corps d'élite, un régiment de femmes, qu'on a nommées les Amazones, en référence à l'Antiquité grecque. A l'origine destinées à la parade et à la garde personnelle du roi, ces femmes-soldats sont devenues, au fil des ans, l'un des bataillons d'élite de l'armée dahoméenne. Les soldats de l'armée coloniale française les redoutaient, mais ils les décimèrent dans la bataille (1892) qui vit la défaite du dernier roi du Bénin. Et pour cause: ils avançaient à la baïonnette alors qu'elles pratiquaient le combat au corps à corps..."
GLELE (1858-1889)
Deux monarques bannis des lignées royales au cours de leur règne, font aujourd'hui l'objet d'un travail de réhabilitation scientifique et historique: la reine Hangbé (1708-1711), destituée en raison du régime patriarcat, et le roi Adandozan considéré comme un tyran sanguinaire.


LA PLACE ADANZOUNDJI

Les soldats et les amazones aiguisaient leurs armes et faisaient promesse de victoire avant d'aller à la guerre.

 Artisans et artistes: 
tisserands, forgerons, peintres, sculpteurs... 
 
et évidemment, je n'ai pu éviter de filmer de côté... Je suis incorrigible! Tant pis, je mets quand même la vidéo.


Chez EUSEBE ADJAMALI, absent lors de notre passage mais dont l'esclave a bien plu à Dada...









Au détour d'une rue, une étrange apparition! Ce sont des Engungun, des Revenants, masqués et parés de costumes richement décorés. Ils sont les liens entre les morts et les vivants. Autrefois, le costume des Masques était empoisonné. Maintenant celui que le Masque attrape est seulement "chicoté"...



Chez MODESTE




DAMIEN, notre guide local, adepte du vodun.
Cérémonie vodun, 2e partie

Cette fois, nous sommes mieux installés, on est assis, et nous avons l'autorisation de prendre des photos, même avec le flash, 
contre 10 000 F.CFA (15€).
Cela commence par des danses par deux très impressionnantes par la vitesse, l'énergie et les acrobaties.
Prendre des photos s'avère très difficile: non seulement, c'est très rapide, il y a du monde mais en plus, certains organisateurs et spectateurs sont gênés par les flashs. On en fera donc peu.



les musiciens





Tout le monde attend KOUSSO, mais viendra-t-elle?
Quand elle arrive enfin, elle n'est pas seule: une jeune femme de 18 ans avait également été choisie par les esprits et participe à la cérémonie de l'éveil avec Kousso, ce qu'elle n'avait pas été capable de faire jusque là.
Elles s'avancent lentement, les bras repliés et soutenues par un groupe de femmes. Elles tiennent à peine debout et se déplacent difficilement. Il faut bien que les muscles se ré-habituent. Les corps huilés, massés, sont loin d'avoir récupéré toutes leurs facultés...

KOUSSO dans son pagne blanc
Elles font 3 tours de l'arbre et sont placées devant les musiciens. Elles se balancent doucement d'un pied sur l'autre, la foule retient son souffle, puis, d'un seul coup, elles se mettent à danser! Il n'y a plus aucune raideur, elles ne semblent plus être ces zombies sortis d'un film d'horreur qu'elles étaient encore la minute d'avant. 
C'est stupéfiant!
Le public hurle sa joie en même temps que son soulagement.
La danse dure peu de temps, les corps reprennent leur position-zombie et il faut à nouveau les soutenir. Elles dansent plusieurs fois devant les musiciens puis retournent s'isoler. Il leur faudra trois mois pour bien récupérer. 
Ce qui rend l'exploit de la danse encore plus incroyable!
 Leur vie est désormais entièrement dévouée au vodun. Hommes et femmes y sont à égalité, y exercent la même autorité.

Il arrive parfois que la réanimation échoue, mais c'est très rare. On dit alors que les esprits ont préféré garder cette personne avec eux. Aux dires de Damien notre guide, il n'y a aucune séquelle, jamais.


Mais la soirée ne s'arrête pas là! Un homme se déplace avec un objet qui symbolise l'esprit. Dans le public, c'est la panique, tout le monde se frotte les mains, comme on le ferait pour se réchauffer... C'est pour l'éloigner.
L'esprit a repéré une autre personne à enlever et doit la désigner. Apparemment, ce n'est pas une bonne nouvelle et tout le monde a très peur. En général ce sont des enfants qui sont élus, mais cela peut arriver à des adultes, bien que les risques soient plus élevés.
C'est un garçon qui est choisi. On l'emporte aussitôt à travers les rues du quartier pour qu'il fasse ses adieux en tant que petit garçon ordinaire. Lorsque le tour est terminé il est déjà dans le coma, ses parents ne le retrouveront que dans une semaine, mais il sera un autre, ils n'auront plus le droit de l'appeler du nom qu'ils lui ont choisi...
Quand soudain, cela recommence! L'esprit en redemande! C'est exceptionnel! Beaucoup de monde quitte la cérémonie, certains se sauvent même!
Nous rentrons à l'hôtel à pied, très impressionnés, sous le choc. Ce que nous avons vu ce soir et tout ce que Damien nous apprend, nous parait tellement incroyable, semble appartenir à une autre dimension. Nos amis Nigériens ont eu très peur.
Voici ce que l'on peut lire dans un dépliant distribué aux touristes à l'OT:
"Qu'est-ce que le vodun?
Le Vodun est une religion comme toutes les autres, elle n'est ni dangereuse ni violente!
 Le Vodun est composé de plusieurs cultes de différents vodun (divinités) , comme Sakpata (vodun de la terre) ou Hébiosso (vodun de la foudre). Tous les cultes de Vodun ont leurs adeptes, les Vodunsi, et leurs prêtres, les Vodunon.
Pour communiquer avec les vodun il faut utiliser le Fa, un des oracles le plus compliqué de l'Afrique, qui est contrôlé par le Bokono, le prêtre du Fa.
Les vodun ainsi que les ancêtres doivent être soignés et sollicités par des offrandes comme par exemple la farine de maïs, l'huile rouge, l'alcool ou le sang d'un poulet ou d'une chèvre. 
A côté des différents cultes de vodun, il y a aussi les sociétés secrètes, comme les Engungun (les revenants, esprits des morts) ou les Zangbeto (les gardiens de la nuit)."

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